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Chez la Fée
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29 mars 2005

Critique des articles du Projet de Traité Constitutionnel Européen Part : 1

[mais qu'en penser, de cette consitution, à la fin ?!!!? Je suis perplexe...]

de Serge Rivron

http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=13071


Après quelques-uns, tous tenants du NON au prochain référendum, je me suis lancé dans le projet un peu longuet de lire et commenter le Traité constitutionnel, avec mes moyens qui ne sont pas très lourds, mes connaissances maigrelettes en Droit, et mes a priori que je voulais éprouver, pour être plus sûr de mon vote. (je me suis également et naturellement appuyé sur les réflexions de mes prédécesseurs dans cet exercice, en gardant même jusqu’à leur formulation, quand elle m’a paru intéressante)

Car pour être tout à fait honnête avant de livrer mon "analyse", je dois préciser que j’ai commencé par pencher nettement pour le OUI, étant d’un naturel optimiste et, en dépit de toutes les questions que me posent le développement du projet européen et son élargissement territorial, pensant (pour résumer très fort) qu’on a toujours intérêt à travailler collectivement lorsqu’il s’agit de pérenniser la paix et d’assurer à notre économie un certain règne en face d’autres puissances.

Puis, de lecture en lecture d’articles et d’analyses qui toutes prônaient plus ou moins fort le NON, en commençant de lire le Traité, en entendant aussi le discours extrêmement pauvre des partisans du OUI, j’ai commencé à douter.

Ne serait-ce que parce que ceux qui incitent depuis le début à la lecture du Traité, ceux qui argumentent "texte à l’appui", curieusement sont pour le NON, alors que les autres se contentent de déclarations d’intention vagues et d’arguments d’autorité quand ce n’est pas de menaces...

Je me suis dit qu’il devait y avoir anguille sous roche.

Ceux qui auront la patience de lire les lignes qui suivent constateront avec moi qu’anguille il y a bel et bien, qu’il y en a même beaucoup et qu’elles sont de taille.

Evidemment, on pourra me reprocher une lecture orientée : l’exercice est difficile, et il est bien évident qu’on ne cherche souvent dans un texte que ce qu’on veut y trouver.

Le problème avec ce texte-ci, c’est qu’on nous demande de l’approuver dans sa totalité, ou de le rejeter. Or, il me semble que l’approbation pure et simple réclamerait pour le moins qu’aucun des nombreux articles qui nous sont soumis ne soit de nature à contredire l’idée que je me fais (c’est moi qui vote, après tout) du projet européen et de sa pérennité d’une part, mais également celle que je me fais des relations entre la collectivité et l’individu, voire de la relations des hommes entre eux dans la société.

Or pour chacune de ces trois pistes de lecture, j’ai trouvé dans ce texte, qui rappelons-le, aurait force de loi s’il était approuvé, matière aux plus vives inquiétudes, pour ne pas dire plus.

Et c’est évidemment ces "inquiétudes" que j’ai pointées, ne tenant pas à arguer pendant des lignes et des lignes du bien ou du mieux-fondé par rapport au Traité de Nice (celui auquel on serait obligé de se référer si cette "Constitution" n’était pas approuvée) d’autres articles me paraissant mieux cadrer avec mes convictions.

Attention cependant : ça ne signifie pas que les articles auxquels je ne renvoie pas me paraissent tous bons ni sans danger, mais seulement à coup sûr qu’ils ne m’inquiètent pas, soit parce qu’ils me plaisent, soit parce que leur degré d’opérationnalité est modéré par d’autres articles.

Le texte qui m’a servi de référence est celui qu’on trouve sur le site très officiel constitution

en cliquant sur ’lire le texte de la constitution’.

Ceux qui connaissent mal le fonctionnement de l’Union européenne, peuvent également se reporter au schéma info.europe

Le décor

D’abord quelques remarques importantes :

-Avant tout, notons qu’il s’agit d’un "Traité établissant une Constitution", ce qui en soit est déjà ambigu : "Constitution" en ce qu’il fixe des objectifs de type éthique et définit un cadre de fonctionnement institutionnel pour atteindre ces objectifs, "Traité" en ce qu’il avance des options et des moyens juridiques et économiques pour l’administration du territoire sur lequel il se fonde. Notons aussi que le territoire lui-même n’est pas établi autrement que par l’adhésion à l’Union des Etats qui la composent déjà ou qui postuleront à en faire partie...

-Ne perdez jamais de vue, en lisant ces articles, que la Commission européenne (non élue au suffrage universel) détient à la fois des prérogatives en termes de pouvoir exécutif et de pouvoir législatif (en gros, on peut à peu près dire qu’elle a tous les droits).

Les Conseils et le parlement ne sont le plus souvent que "consultés" ! voir article fonctionnement de l’Europe sur perfa.home

Lorsque le Traité parle de décision de l’Union, la décision de la Commission européenne est sous-entendue, pas les autres ...

-La terminologie est primordiale. Le texte est naturellement "farci" de termes de droit, mais selon la tournure, il s’agit de droit "mou" ou de droit "dur". Un exemple : "je vous garantis de vous rembourser", c’est du droit "dur", alors que : "je ferai en sorte de vous rembourser", c’est du droit "mou".

-L’unique moyen de réviser ce Traité conclu pour une durée illimitée (IV-446) étant l’unanimité des 25 états membres (IV-443.3), il est inutile de préciser qu’une fois adopté, il a peu de chances d’être révisé. C’est un point sur lequel les partisans du OUI sont assez surprenants : soit ils n’en parlent pas, soit ils l’éludent, en expliquant au contraire que ce Traité serait en quelque sorte une plateforme idéale pour de solides progrès en matière d’Europe sociale ou environnementale ou que sais-je, qu’il suffirait d’amodier en pondant des "traités complémentaires qui d’ailleurs s’imposent compte tenu, évidemment, des insuffisances de celui-ci"... Tout ça est idéalistement faux, et on a quelque lieu de s’inquiéter que nos élus soient si naïfs... ou menteurs, qu’ils ne sachent pas ce qu’unanimité et durée illimitée veulent dire.

-Ce texte se présente en quatre parties principales, puis deux parties supplémentaires faisant partie intégrante du Traité (IV-442) :: Partie I : Définition et objectifs de l’Union Partie II : Charte des droits fondamentaux Partie III : Politique de l’Union Partie IV : Dispositions générales et finales

Protocoles et annexes I & II Déclarations :

Le numéro de l’article (I, II,...) indique la partie dans laquelle retrouver cet article.

PARTIE I (30 pages, 60 articles)

Article I-3 :Il est écrit que l’Union va "promouvoir" certaines valeurs (égalité hommes-femmes, solidarité,...) et non les garantir. Remarquez aussi dans l’alinéa 2, la première occurrence de la "libre concurrence", érigée, elle, haut et fort en tant qu’objectif... Voici donc un principe économique mis au même rang que des valeurs d’éthique sociale (et même au-dessus), et ce dès les premières lignes d’une "Constitution"... c’est une grande première dans un texte de ce type (sauf si l’on se réfère à la "Constitution"... soviétique !)

Article I-5 : brave Giscard. ! il a bien retenu les commandements de l’AGCS (accord de l’OMC) qui ne laissent comme compétence à un Etat que ses pouvoirs régaliens : police, armée, justice. Et bien voilà, ce sera gravé dans la Constitution...

Article I-6 : le droit adopté par l’Union prime sur celui des Etats membres ! Voilà (entre autres) un bon moyen de faire passer des réformes impopulaires au niveau national, en prétextant qu’elles découlent de la politique européenne ... on connaît déjà cette chanson. Mais plus grave : cet article signifie purement et simplement que si une loi européenne contredit une loi nationale, celle-ci devra être abrogée ou modifiée. C’est ce qu’on appelle du droit... dur.

Article I-11-3 : "Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union intervient si et seulement si, et dans la mesure où , les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les Etats membres, tant au niveau central, qu’au niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union."

C’est quoi "une manière suffisante" ? Donc, l’Union peut intervenir au niveau de ma commune dans le cas où celle-ci refuserait d’appliquer une directive jugée intolérable ? Ce sont les élus locaux qui vont être contents ....

Bravo pour la décentralisation :. on ôte à l’Etat, on fait croire qu’on donne aux Régions, mais en fait on attribue à l’Europe.

Article I-12.1 : En gros, lorsqu’on a donné à l’Union des pouvoirs exclusifs dans certains domaines, les Etats doivent se soumettre. Et qui attribue cette exclusivité de compétence à l’Union ? Eh bien, l’Union elle-même, pardi !... en tout fédéralisme triomphant et plus du tout déguisé : là, les "souverainistes" ont vraiment de quoi hurler...

Article I-13.4 : "L’Union dispose d’une compétence pour définir et mettre en œuvre une politique étrangère et de sécurité commune, y compris la définition progressive d’une politique de défense commune".

Laissons les "souverainistes" à leurs craintes sur les inévitables divergences de point de vue ou d’intérêts (ou les deux) qui rendront la "définition" d’une défense commune pour le moins difficile, et lisons cela très prosaïquement : on veut une défense commune, le Traité nous la donnera... mais à quel prix, et qui le paiera ? C’est, si l’on a bien lu les articles qui précèdent, à elle d’en décider... Réquisition des moyens des armées nationales ? Financement d’une défense européenne autonome ? Non : "mise à disposition de moyens par les Etats membres", qui s’engagent à "améliorer progressivement leurs capacités militaires" (article I-41) : on navigue en plein flou artistique, surtout que l’adhésion à l’OTAN de "certains pays" est parfaitement compatible... Là, c’est De gaulle qui se retourne dans sa tombe... Et à qui seront confiées les prises de décisions sur les moyens ainsi obtenus (en admettant qu’on arrive à les obtenir) ? Pour la réponse à cette question, voir les intéressantes conjectures de l’organisation des pouvoirs à l’intérieur de l’Union (articles I-16, 21,22,24,25,27,28, 40 et 41, entre autres) : ceux qui trouvent opaque l’organisation de notre actuelle défense nationale auront l’impression rétrospective qu’elle était plus limpide qu’une eau de source !

Article I-13.1 : On précise les domaines de compétences déjà validés :
-Douane Règles de concurrence pour le marché intérieur Politique monétaire
-Conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche Politique commerciale commune Pour le business et ses règles, l’Etat s’efface, c’est l’Europe qui décide. Pour les ressources biologiques (préservation des espèces, quotas de pêche, etc...) pareil !

On pourrait penser que cela éviterait les débordements de certains pays, mais nous avons déjà vu comment se comportait l’Europe sur le plan de l’écologie et de la biologie (OGM, vache folle...).

Articles I-19 à I-41 - Ces articles concernent l’organisation du fonctionnement des institutions internes de l’Union - ils sont rassemblés sous les deux seuls "titres" qui, soit dit en passant, sont proprement constitutionnels dans ce Traité.

Pour l’essentiel, ils se contentent de reproduire les règles actuelles du fonctionnement de l’Union, avec toujours un pouvoir exorbitant confié à la "Commission", tant au plan exécutif que législatif. On notera aussi avec intérêt tout ce qui se rapporte à l’organisation du pouvoir en termes de politique étrangère, sécurité et défense. Là, il y a de l’innovation, mais c’est assez inquiétant (voir ci-dessus, article I-13.4)

Article I-43 - Solidarité entre les Etats contre le terrorisme ; A compléter par la lecture de la partie III du Traité, qui en dit plus sur les mesures et les moyens.

Article I-47.4 - Après toute une série de dispositions qui précisent le mode de prise des décisions au sein de l’Union, et dont chacune mériterait d’être analysée en détails car il en va rien moins que de la représentativité des nations (mais là, ça devient d’une complexité extraordinaire, et évidemment c’est un chapitre dont nous n’entendrons pas parler dans le camp des tenants du OUI au référendum, et que les tenants du NON ne pourront jamais expliquer sur les ondes, parce que les présentateurs démocrates trouvent très chiant pour leur public qu’on parle avec précision et avec chiffres), nous ne pouvons que nous arrêter une nouvelle fois à ce fabuleux gadget que la PROPAGANDE pour le OUI nous jette sans arrêt en pâture, espérant prouver l’immense souci démocratique du législateur européen : d’après cet article en effet, on aura le droit "d’inviter la Commission à soumettre une proposition appropriée" (tous les termes de cette blague mériterait d’être soulignés), on ne sait pas à qui, et à la condition que cette "invitation" soit proposée par AU MOINS UN MILLION de citoyens D’UN NOMBRE SIGNIFICATIF d’Etats Membres !!!!!!!!!!! Et dans ce cas très improbable (à propos, "significatif", c’est combien d’Etats ?) , la Commission n’est même pas obligée de saisir quelque instance de l’Union que ce soit ! Bravo le verrouillage !

Article 1-50.1 "Afin de promouvoir une bonne gouvernance, et d’assurer la participation de la société civile, les institutions, organes et organismes de l’Union œuvrent dans le plus grand respect possible du respect du principe d’ouverture"... le plus grand respect (tout court) eut été nettement plus rassurant, dans ce paragraphe typique du "droit mou".

D’autant qu’au paragraphe 3 du même article, on apprend que si par principe tout un chacun aura accès à tout document (faudra déjà avoir le temps de les éplucher), en fait, l’Union se réserve le droit d’obvier à ce fort aimable droit d’accès en édictant tous principes utiles à le limiter... C’est pas de l’ouverture, ça ?

Article 1-58 : il fixe aux pays candidats deux conditions pour appartenir à l’Union : respecter les valeurs visées à l’article 1-2, et être un "Etat européen". Bizarrement, il n’y a aucune référence à quelque critère de définition de l’Europe que ce soit... Alors, où s’arrête l’Europe ? Qu’est ce qui la caractérise, la distingue où l’unifie de la géographie, de l’histoire, de la religion, de la biologie ou de la climatologie ? Réponse à chaque nouvelle candidature...

PARTIE II - La Charte des droits fondamentaux (14 pages, articles 61 à 114)

NB : cette louable Charte, voit malheureusement la portée de nombreux de ses articles les plus "fondamentaux" explicitement limitée dans les protocoles annexés au présent Traité, et qui font partie intégrante du texte soumis à référendum. De plus, la rédaction de la majorité des articles est représentative du "droit mou" dont nous parlions ci-dessus. De toutes façons, c’est pas grave, parce que la Charte contient un article qui la rend à peu près totalement inopérante (voir article II-111 et ses "explications")

Article II-62 : cet article qui reconnaît le droit de toute "personne" à la vie, et prohibe la peine de mort, est limitée en annexe (page 114) par une liste de cas où « la mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article », en précisant - par exemple - qu’ « un Etat peut prévoir dans sa législation la peine de mort pour des actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre ».

Article II-63, 64, 65 : clonage, eugénisme, torture, esclavage et travail forcé sont interdits dans les Etats membres. C’est bien le moins....

Article II-66 : « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté », mais il est expliqué (p.115) que cette garantie ne s’applique pas, par exemple, « s’il s’agit de la détention régulière (...) d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond. »

Article II-70 : "Liberté de penser, de conscience et de religion. ...liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites". Il va apparemment falloir "harmoniser" rapidement la toute nouvelle loi française concernant les manifestations vestimentaires ostentatoires dans les lieux publics...

Article II-72 : "Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique, et à la liberté d’association à tous les niveaux (...)", mais on apprend page 116 que des restrictions pourront être « imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’Etat » si cela est nécessaire à l’ordre public, à la sécurité nationale, etc...., mais aussi... « à la protection de la santé ou de la morale » !

Article II-75 : point 3 : "Les ressortissants des pays tiers qui sont autorisés à travailler sur le territoire des Etats membres ont droit à des conditions de travail équivalentes à celles dont bénéficient les citoyens de l’Union". Bien, mais pour les ressortissants d’un pays européen X qui viendraient travailler dans un autre pays européen, rien de précis (voir la directive Bolkenstein, apparemment... Est-ce de cette façon qu’on entend défendre le "haut niveau de protection sociale" claironné ?).

Article II-81 : cet article, c’est une bonne chose, consacre l’interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques (...)

Article II 87, 88 : droits des travailleurs : information, consultation, négociation...c’est bien gentil, mais que vaudront ces droits dès lors que la directive Bolkestein sera appliquée ?

Article II 91 : il répond parfaitement à la question précédente : tous ces droits ne vaudront rien, puisqu’en vertu de cet article de droit hyper-mou, il est seulement reconnu que tout travailleur a droit à "une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos quotidiennes et hebdomadaires". C’est quoi "maximale" ?

Article II-94 : Le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale - ici encore aucune précision sur le territoire d’application des prestations. La directive Bolkestein est parfaitement compatible avec ce curieux droit.

Article II-96 : première occurrence des "services d’intérêt économique général" (SIEG), définis nulle part et qui peuvent désigner aussi bien les services publiques (quasiment absents du texte du Traité à une ou deux occurrences près) que des services privés que l’Union ou les Etats peuvent reconnaître d’intérêt économique général, laissant ainsi la porte ouverte à nombre d’arrangements possibles, et la fermant presque complètement à la possibilité pour une collectivité démocratiquement élue d’organiser ou de soutenir un service qui lui paraîtrait nécessaire à la bonne administration de son territoire, dans la mesure où l’Union pourra être saisie à tout moment par une entreprise privée arguant qu’un service public ne respecte pas (par essence, mais peu importe) l’équité de la concurrence.

Article II-97 : "Un niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l’Union..."- droit mou !

Article II-111 : cerise sur le gâteau, donc, que cet article (et ses explications, page 122) qui prend soin de préciser que, contrairement à la plupart des articles de la Constitution, l’ensemble de la Charte des Droits Fondamentaux ne s’impose pas aux Etats membres dans leur législation intérieure ! Cette Charte, est-il précisé, "s’adresse aux institutions, organes et organismes de l’Union (...) ainsi qu’aux Etats membres uniquement lorsqu’ils mettent en oeuvre le droit de l’Union."

C’est-à-dire que seules les lois européennes et les institutions européennes doivent la respecter, mais qu’aucun citoyen européen ne peut invoquer la Charte s’il a un problème face à son Etat ou à son employeur (sauf si cet employeur se trouve être le Conseil Européen, la Cour de Justice Européenne ou toute autre institution européenne...).

Les Etats membres restent donc libres de conserver ou de se doter de lois moins protectrices des droits humains. Autant dire que cette Charte toute entière, dont les articles est essentiellement là pour décorer !

PARTIE III - Les Politiques et le fonctionnement de l’Union (articles 115 à 436, 131 pages)

Articles III-116 à III-122 : droit mou : une série de déclarations d’intention concernant la prise en compte par l’Union dans tous les articles de cette Partie, des principes d’égalité hommes/femmes, de protection de l’environnement, de protection sociale, des consommateurs, du respect des animaux et des services d’intérêt économique général, où dans chaque catégorie on prend cependant bien garde à laisser la porte ouverte à tous les "usages" et "traditions" possibles. C’est un peu l’auberge espagnole, cette affaire, si on comprend bien !
Méfions-nous toutefois du droit mou ! L’article 122, après un méli-mélo de reconnaissance et de platitude sur les SIEG, en une phrase finale traîtresse parce que de droit dur, attribue à l’Union seule de fixer les principes et conditions d’existence desdits SIEG (et donc des services publics), ne laissant aux Etats que le droit "de fournir, de faire exécuter et de financer" ces services.

Articles III-137 et nombreux suivants : à partir d’ici on entre dans le fameux parti pris d’instauration d’une économie libérale échevelée, qui fait tant débat dans les officines néo malthusiennes, ATAC, CGT et consort. Le parti pris est évident, et très clairement affirmé. En veut-on, n’en veut-on pas ? La réponse est affaire de point de vue. Je me contenterai de m’étonner pour ma part qu’une "Constitution", avec tous les guillemets qu’on veut, soit le lieu d’un tel déballage de principes économiques. Et de regretter par ailleurs, que ces principes, tout respectueux qu’ils s’affichent des intérêts des femmes, des chiens, des rivières et des travailleurs (voir ci-dessus articles III-116 à 122), fondent sans aucune restriction le bien public et le bien individuel sur les principes de l’économie de croissance, dont on sait depuis près de 30 ans les dégâts irrémédiables qu’elle entraîne nécessairement sur le milieu naturel, la spiritualité, l’exigence en matière de création artistique, ainsi que sur toute société organisée sur d’autres principes économiques.

Article III-144 : "les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation. La loi ou loi-cadre européenne peut étendre le bénéfice de la présente sous-section aux prestataires de services ressortissants d’un État tiers et établis à l’intérieur de l’Union.

Je souligne cette phrase à la fois compliquée et anodine qui grave "dans le marbre" la possibilité aux accords de l’AGCS de s’appliquer sans ambages au sein de l’Union. Encore une fois, est-il indispensable d’intégrer une contrainte économique à un Traité constitutionnel ?

Article III-148 : "Les États membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire en vertu de la loi-cadre européenne adoptée en application de l’article III-147, paragraphe 1, si leur situation économique générale et la situation du secteur intéressé le leur permettent." On a beau avoir pas mal de reproches à faire au fonctionnement de certains "services publics", est-il raisonnable de programmer leur fin avec autant d’acharnement ?

Article III-151.6.a : "(...) la commission s’inspire de la nécessité (...) d’assurer une expansion de la consommation dans l’Union" - voir ci-dessus, no comment.

Article III-156 : "les restrictions tant aux mouvements de capitaux qu’aux paiements entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites" et hop, la taxe Tobin passe définitivement à la trappe ! Non seulement on ne se sera pas beaucoup creusé pour essayer de la mettre en place, mais on ferme la porte à toute possibilité de tirer un quelconque profit social de la spéculation. Vive l’Europe solidaire !

Article III-167 : c’est le seul article qui laisse un peu de champ aux Etats pour allouer des aides de nature économique. On peut en apprendre la liste par cœur, elle n’est pas longue. A noter en particulier au paragraphe 3.c l’aide possible pour faciliter le développement de certaines activités (on pense tout de suite à l’immense champ des activités culturelles) ou régions économiques, quand elle n’altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun (on ne pense plus aux activités culturelles !) ; puis le paragraphe 3.d qui traite expressément de l’aide à la promotion au secteur culturel (on y repense en se disant que c’est déjà pas si mal, d’aider la promotion), quand elle n’altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l’Union dans une mesure contraire à l’intérêt commun (et là on se dit définitivement que vu les implications du privé et les enjeux financiers souvent énormes de la production artistique, autant dire qu’à brève échéance plus une subvention au secteur culturel ne sera possible - avec le risque énorme d’une main mise définitive de l’argent sur la création artistique).

Articles III-170 à176 : Les "dispositions fiscales" envisagées par le Traité ne concerne dans cette partie que les échanges commerciaux. Les taux de TVA sont harmonisés. Pour les autres impôts et taxes impactant les échanges commerciaux, on indique la direction de l’harmonisation, mais avec pas mal de possibilité d’atermoyer, et une fois atteinte l’harmonie, d’autres possibilités pour les Etats de louvoyer (dont pour des raisons sanitaires, on se rappelle du cas de la vache folle) ou pour des raisons environnementales (on pourrait applaudir en pensant aux OGM, mais las, dans ce cas il est à craindre que les imprécisions laissés dans le droit très mou exposé, soit au contraire l’occasion d’empêcher un Etat membre de prendre la moindre mesure allant dans le sens de l’interdiction).

Articles III-177 à 202 (début du chapitre 2 de ce 3e Titre, consacré à la politique économique et monétaire) :

encore l’économie de croissance, toujours l’économie de croissance... Allez, on y croit !

Notons l’article III-188 qui permet à la banque centrale européenne d’être la seule décisionnaire de ses actes, c’est à dire consacrant l’impossibilité absolue de l’Union d’influer de quelque façon que ce soir sur la politique monétaire : "Dans l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des missions et des devoirs qui leur ont été conférés par la Constitution et le statut du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, ni la Banque centrale européenne, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions, organes ou organismes de l’Union, des gouvernements des États membres ou de tout autre organisme." Notons aussi les textes spécifiques pour les pays membres n’ayant pas l’Euro comme monnaie, et qui du coup sont allégés d’un nombre impressionnant de contraintes vis-à-vis de leur situation financière, leur seule vraie restriction étant de n’avoir pas de commissaire élu au sein de la Banque Centrale. On constate que les anglais(et quelques autres) ont encore une fois plutôt "bien joué"...

Article III-203 : « L’Union et les États membres s’attachent, conformément à la présente section, à élaborer une stratégie coordonnée pour l’emploi et en particulier à promouvoir une main-d’œuvre qualifiée, formée et susceptible de s’adapter ainsi que des marchés du travail aptes à réagir rapidement à l’évolution de l’économie » Il paraît qu’il y en a que ce genre de "promesse" (oui, c’est encore du droit mou) fait rêver... A bien y regarder, pour moi ce serait plutôt la quintessence de l’horreur... Car, au-delà du pseudo-souci du plein emploi "qualifié" que se fixe cet article, comment ne pas voir que s’affiche ici plus encore qu’ailleurs le Projet Sociétal pitoyable et monstrueux qu’on est presque arrivé à nous faire réclamer : que les citoyens ne soient plus définis que par leur aptitude à produire dans le cadre d’un marché qui seul les justifie. Big Brother à notre portée, et qui n’a même plus besoin de caméras pour formater les hommes ! Quel espérant projet ! "captivant" serait plutôt le terme ad hoc.

Articles III-204 à 208 : heureusement, le charabia pseudo incitatif à l’emploi et à la surveillance de son évolution, nous rassurent un peu sur l’inaptitude complète de l’Union à produire en ce domaine autre chose que des rapports et des études pendant encore quelques années. Mais cette volonté d’encadrer encore et toujours plus ce qu’on appelait autrefois les métiers, témoigne à tout le moins d’une pensée planificatrice qui devrait servir de repoussoir plutôt que de modèle.

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