Pour ou contre le mariage gay ?
Et oui poser cette question après avoir applaudi le courage de Zapatero, ça peut paraître bizarre !
Pour répondre, je vais citer les Pénélopes :
http://www.penelopes.org/xarticle.php3?id_article=2564
"Contre le mariage gay...
Choisir
la défense du mariage en tant que stratégie politique gay et lesbienne,
c'est perpétuer un système de normes et de valeurs qui nous a toujours
exclu(e)s et qui a servi de courroie de transmission de la
discrimination des femmes. Et qui continuera, après que nous y aurons
accès, à exclure certains d'entre nous, les non monogames, les familles
à trois, à quatre, à plus, les sans-papiers et d'autres.
Les Conseillers d'Etat sont d'excellents juristes. Notamment en charge de donner leur avis à tout projet de loi émanant du gouvernement belge ou des parlementaires, ils veillent à ce que chaque nouveau texte de l'édifice juridique s'insère parfaitement dans l'ensemble, ne contrevienne pas à un texte précédent, n' " oublie " pas des droits et libertés fondamentales, ait un sens logique, bref que cela ne devienne pas un vrai foutoir. Et cela est une fois de plus démontré par la lecture de l'avis de cette vénérable institution relatif au projet de loi belge sur l'ouverture du mariage aux homosexuels. Cet avis a suscité la colère des associations gaies, de certains membres du Gouvernement, et de nombreux gays et lesbiennes. Les pauvres Conseillers d'Etat ont été traités de ringards, de réactionnaires, d'homophobes. Est-ce bien le cas ? Le raisonnement du Conseil d'Etat est simple. Pour ouvrir le mariage aux homosexuels, il faut justifier d'une discrimination entre hétéros et homos sur ce point. En droit, il n'y a discrimination que si des personnes se trouvant dans une même situation se voient traitées de manière différente, sans que cette différence de traitement soit objective ou soit proportionnée au but de la mesure discriminante. L'avis cherche donc à démontrer que les couples homosexuels se trouvent dans une situation objective distincte des couples hétérosexuels, ce qui justifierait une différence de traitement. Et cette différence de situation objective, le Conseil d'Etat la trouve dans l'impossibilité de procréation des homosexuels (entre eux, bien sûr). C'est dans " la nature des choses " qu'il faut aller chercher cette différence, expression toute faite qui ne veut rien dire et qui permet si facilement de tout expliquer.
Mais ce n'est pas là que se trouve l'intérêt de l'avis du Conseil
d'Etat. Pour expliquer que cette différence "de nature" permette une
différence de " droit ", il va justifier combien cette exigence de
procréation est la clé et la justification du mariage. Le Conseil
d'Etat l'affirme : "il y a un lien étroit de causalité entre
l'institution du mariage, avec ses caractéristiques essentielles, et la
nécessité d'assurer la stabilité de l'union entre un homme et une femme
afin de permettre l'éducation des enfants qui peuvent en résulter".
Bien sûr, il n'est pas nécessaire de fustiger les pauvres couples
stériles et une nuance s'impose : " Si la procréation n'est pas un
élément essentiel du mariage, elle en constitue presque toujours la
suite normale, et pour l'éducation des enfants, l'institution du
mariage constitue le cadre le plus ferme et le plus adéquat".
Retour aux sources
Le mariage est bien évidemment une institution qui vise à la
procréation et à la "fabrication " de descendants. Dès le Moyen ge, le
mariage sert les nobles pour transmettre leur patrimoine. Il s'agit de
faire en sorte que les biens ne se transmettent qu'aux enfants de sang
(en priorité aux fils), et pour s'assurer que ceux-ci ne sont pas
bâtards, on se marie, on vérifie à deux fois la virginité de la future
épouse et on sanctionne très durement son infidélité. A cette époque,
le mariage n'intéressait pas vraiment les pauvres qui, n'ayant que peu
de biens à transmettre, n'avaient guère besoin d'un tel stratagème…
Après l'adoption du Code Civil, au 19ème siècle, le mariage change de
fonction. Toujours courroie de transmission des biens, il devient aussi
une institution de contrôle social. Et là, c'est plutôt des pauvres
qu'il s'agit. On est en pleine industrialisation et il faut faire
tourner les usines, sans que grèves et autres mécontentements sociaux
viennent perturber le rendement. Dans ce cadre, le mariage est une
unité économique essentielle : il assure la dépendance de la femme et
des enfants (qui travaillent également mais pour un salaire bien
moindre) au salaire du mari, ce qui décourage ce dernier à s'engager
dans des mouvements de protestation. Plus largement, le mariage est
aussi le lieu d'un contrôle de normalité, propre à la construction de
l'Etat disciplinaire, tel que l'a expliqué Foucault. Il établit que les
relations hétérosexuelles monogames ont un statut supérieur et
bénéficient à ce titre de certains avantages. Cette fonction normative
n'a cessé de se perpétuer, encourageant certains modèles de vie et en
excluant d'autres, faisant des ménages l'unité obligatoire de
consommation des biens et services produits par la société.
Et c'est bien ce qui ressort de l'avis du Conseil d'Etat : le mariage est cette institution qui permet (on sent qu'il se retient de dire "oblige à") la procréation de l'espèce. Bien sûr c'est faux, seule la rencontre d'un spermatozoïde et d'un ovule permet la procréation. Mais ce qui est visé ici, n'est pas tant la reproduction biologique, que la reproduction d'un système social, de normes, de valeurs et d'interdits. Et que le mariage conserve ce rôle normalisateur dans notre société malgré tous les bons sentiments qu'on tente d'y attacher.
Certes, je ne vous apprends rien ; des cohortes de féministes ont dit
cela avant moi, concluant au caractère patriarcal et sexiste du
mariage, que pourtant, dans les discussions relatives au mariage
homosexuel, les hommes et femmes politiques se sont bien gardés de
rappeler. Le Conseil d'Etat n'a pas cette pudeur. Il sait que le
mariage est par définition une institution dans laquelle la femme n'est
pas l'égale de l'homme. Il le dit avec nuances : "Le mot latin
"matrimonium" (mariage) signifie "régime de maternité" :
historiquement, le mariage garantit à la mère qui portera et mettra au
monde les enfants, la protection du père et sa collaboration pour leur
éducation". Bel euphémisme que ce terme de "protection" ! Nous savons
depuis longtemps ce qu'il signifie réellement. C'est derrière ce mot de
"protection" et au nom du respect libéral de la sphère privée qu'on a
pu longtemps ignorer les violences faites aux femmes et aux enfants à
l'intérieur du mariage. Et qu'on a pu aussi cantonner la femme à
l'espace "protecteur" de la maison, lui refusant ainsi l'accès à
l'espace public. Et également substituer le nom du mari à celui de la
femme, qui disparaît ainsi du langage, de la dénomination et de
l'histoire de la famille.
Ces termes de "régime de maternité", utilisés par le Conseil d'Etat,
indiquent bien la philosophie du mariage qui consiste en un contrat
entre deux personnes dans le but de jouir sexuellement de l'autre. Kant
y voyait la source fondamentale de l'égalité entre époux tout en
reconnaissant du même coup la supériorité naturelle de l'homme sur la
femme. Car l'égalité dans ce contrat n'est bien sûr qu'apparente. Parce
que le but du contrat est avant tout la jouissance des facultés
reproductrices des individus et particulièrement de la femme.
Revendication trompeuse
On
a beau dire que le monde a changé, que le mariage désormais, c'est
l'égalité entre les époux, la consécration d'un amour intime sur lequel
l'Etat n'a pas de pouvoir… C'est quand même oublier combien la
fiscalité des couples mariés discrimine les femmes, combien le statut
social du cohabitant et celui du chef de ménage, que le mariage
attribue respectivement souvent à la femme et à l'homme, perpétue
l'inégalité ancienne.
Choisir la défense du mariage en tant que stratégie politique gay et
lesbienne, c'est perpétuer un système de normes et de valeurs qui nous
a toujours exclu(e)s et qui a servi de courroie de transmission de la
discrimination des femmes. Et qui continuera, après que nous y aurons
accès, à exclure certains d'entre nous, les non monogames, les familles
à trois, à quatre, à plus, les sans-papiers et d'autres. Comment
comprendre qu'une minorité discriminée prenne parti pour l'institution
qui a contribué à cette discrimination en fondant la norme à laquelle
elle n'appartient pas ? Ne vaut-il pas mieux se battre pour dénoncer
les ressorts excluants de ce système ? Revendiquer des droits pour
chacune d'entre nous, sans que cela soit lié à une situation de couple
ou à une inscription de notre vie sentimentale ou sexuelle dans un
registre d'Etat ? Déconstruire les normes liant la sexualité à la
reproduction, la reproduction au mariage ?
C'est d'ailleurs amusant de constater qu'à aucun moment dans l'arrêt du
Conseil d'Etat, on ne trouve mention d'une remarque homophobe. Il
insiste juste sur cette conclusion : le mariage en tant qu'institution
n'est pas fait pour vous. Ne pourrait-on être d'accord avec cette
position du Conseil d'Etat ?"
Donc en ce qui me concerne, je suis évidemment pour le mariage gay dans le sens où tout le monde doit pouvoir jouir des mêmes droits, et si des gays et des lesbiennes veulent se marier, ils doivent être libres de le faire.
Mais je critique l'institution "mariage", et je ne vais pas répéter pourquoi.
Et vous qu'en pensez vous?