Les Européens se divisent sur l'équilibre à trouver entre libertés individuelles et lutte antiterroriste
LE MONDE | 19.07.05 | 13h15 • Mis à jour le 19.07.05 | 13h15
BRUXELLES de notre bureau européen
Les
attentats de Londres et l'annonce, par le ministre britannique de
l'intérieur, de la mise à l'étude de nouvelles lois antiterroristes
dans son pays ont ouvert, en Europe, un débat sur la nécessité et
l'efficacité d'un renforcement de l'appareil répressif face à des
menaces d'un nouveau type. Parallèlement, certains s'interrogent sur le
danger d'une remise en cause de certaines libertés publiques par de
telles mesures. Une troisième discussion n'a pas encore eu lieu : elle
concerne la coordination des politiques au niveau européen.
Les
ministres de l'intérieur et de la justice des Vingt-Cinq, réunis
mercredi 13 juillet à Bruxelles, ont annoncé un plan d'action et un
calendrier. Quelques mesures évoquées dans l'urgence, comme une
amélioration des échanges d'informations ou le renforcement de la lutte
contre le financement du terrorisme, n'ont pu masquer des divergences
persistantes dans l'approche du terrorisme, sa définition ou les moyens
mis en oeuvre pour le contrer. Depuis la réunion de Bruxelles, chaque
Etat, surtout désireux de rassurer son opinion publique, a développé sa
propre politique, en attendant d'éventuels accords européens.
En
annonçant la réintroduction des contrôles aux frontières françaises,
Nicolas Sarkozy a reçu l'appui des populistes danois, qui soutiennent
le gouvernement conservateur au pouvoir, et de la Ligue du Nord, le
mouvement xénophobe d'Umberto Bossi, qui est favorable à une fermeture
complète des frontières italiennes. De nombreux Etats ont fait valoir
que, plutôt qu'une limitation des accords de Schengen, c'est un
renforcement de ceux-ci qu'il fallait envisager, afin de développer les
coopérations et les échanges rapides entre les services de police.
L'autre
volonté de M. Sarkozy, celle d'un contrôle renforcé sur les imams
radicaux, est partagée par le ministre de l'intérieur du Land de
Bavière. Le chrétien-social (CSU) Günther Beckstein a proposé
l'installation de caméras de vidéo-surveillance à l'intérieur et autour
des mosquées considérées comme fondamentalistes.
L'Allemagne est
confrontée à un débat sur la surveillance des lieux publics. Brigitte
Zypries, la ministre fédérale sociale-démocrate de la justice, a
réclamé l'installation de caméras dans les stations de métro. Elle se
heurte aux défenseurs des libertés, qui affirment que le pays compte
suffisamment d'équipements de ce type et soulignent que celui très
développé de Londres n'a pas empêché les terroristes d'y frapper. Le
gouvernement Schröder souhaite, par ailleurs, créer un fichier
antiterroriste, qui regrouperait les données disponibles sur des
suspects. Angela Merkel, candidate chrétienne-démocrate à la
chancellerie, a prôné le recours à l'armée afin de parer à
d'éventuelles attaques.
L'Italie, visée, comme le Danemark, par
un ultimatum attribué à Al-Qaida qui lui enjoint de retirer ses troupes
d'Irak, n'a pas adopté les dispositions présentées en urgence par le
ministre de l'intérieur, Beppe Pisanu. Le ministre avait exclu le
recours à des lois spéciales ou la création d'une structure juridique
spécialement chargée de l'antiterrorisme. L'aile droite de la coalition
conduite par Silvio Berlusconi a jugé insuffisantes des propositions
comme la possibilité d'interroger un suspect sans avocat ou l'octroi
d'un permis de séjour aux étrangers collaborant aux enquêtes. La Ligue
du Nord réclame la création d'un nouvel arsenal juridique sur le modèle
du Patriot Act américain.
L'Espagne, déjà dotée de dispositions
sévères prises dans le cadre de la lutte contre l'organisation
séparatiste basque ETA, a annoncé un renforcement de la surveillance
policière et militaire d'objectifs jugés stratégiques. Le gouvernement
envisagerait également de renforcer le contrôle de l'utilisation des
téléphones portables, conformément à une exigence formulée, au niveau
européen, par plusieurs Etats, dont la France. Les opérateurs espagnols
seraient contraints de conserver toutes les données durant un an. La
police aurait demandé, par ailleurs, qu'il soit mis fin à l'anonymat
des nombreux usagers qui ont opté pour les cartes et recharges
prépayées.
La recherche d'un équilibre entre lutte
antiterroriste et respect des droits individuels est délicate.
L'Allemagne, longtemps soutenue par l'Autriche et la Finlande, s'est
opposée à ce que l'on étende au-delà de trois mois le stockage des
données sur les communications téléphoniques. En Autriche, les Verts et
les organisations de défense des droits de l'homme critiquent
l'alignement de leur gouvernement sur les exigences de leurs
partenaires européens.
Si la Suisse s'interroge sur la nécessité
d'adopter des mesures comme les écoutes téléphoniques "préventives", la
Grèce manifeste des réticences. Le ministre de l'ordre public, Georges
Voulgarakis, a déclaré récemment que son pays, "exceptionnellement
sûr", n'avait "pas besoin de mesures supplémentaires" .
Face à
des eurodéputés qui soulignaient, la semaine dernière, à Bruxelles, que
la destruction des libertés individuelles était, précisément, ce que
recherchaient les terroristes, Charles Clarke, le ministre britannique,
a donné le ton de sa présidence : "Il faut trouver des solutions, sans
quoi la population se demandera ce que nous faisons. Le droit de
voyager dans le métro sans se faire exploser est un droit de l'homme
important" , a-t-il commenté.
Jean-Pierre Stroobants avec nos correspondants à Berlin, Madrid, Rome et Vienne
Article paru dans l'édition du 20.07.05
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-669420,36-673649@51-670630,0.html
Je me pose aussi ces questions en ce moment
(depuis un an ou deux quoi)... J'ai tendance à être pour les libertés
individuelles, et j'ai peur de l'évolution sécuritaire de notre société
de contôle... (Foucault, Foucault...)
Mais il est
aussi vrai que nous sommes en train de vivre une 4ème guerre mondiale
(3ème : guerre froide, 4ème : terrorisme anti-occidental)... Et qu'on
voudrait se protéger et se battre contre ça...
Oui mais... ?
Sujet non clos dans ma tête, en tous cas...