INES
26 mai 2005 - Carte d'identité électronique
INES, de la suspicion au traçage généralisé
Appel commun LDH, SAF, SM, IRIS, DELIS, AFJD
Ligue
des droits de l'Homme (LDH), Syndicat de la Magistrature (SM), Syndicat
des Avocats de France (SAF), association Imaginons un Réseau Internet
Solidaire (IRIS), intercollectif Droits Et Libertés face à
l’Informatisation de la Société (DELIS) et Association française des
juristes démocrates (AFJD)
Le 1er février 2005, à la
demande du ministère de l’Intérieur, un débat public a été ouvert sur
Internet et par des réunions publiques en région, au sujet du projet de
ce ministère baptisé « INES » (identité nationale électronique
sécurisée), qui vise à créer une carte d'identité électronique à
éléments biométriques.
Cette nouvelle carte d'identité serait
équipée d'une puce électronique, lisible sans contact, et contiendrait
des éléments d'identification biométriques personnels (empreintes
digitales et photographie numérisée). Ces éléments numérisés seraient
conservés dans un fichier central. Réunissant plusieurs
fonctionnalités, cette carte constituerait un nouveau « Sésame ». Sont
ainsi prévues non seulement une fonction d'identification sécuritaire,
mais aussi des fonctions de signature électronique destinées à
permettre, d'une part, l'accès à des prestations administratives par
Internet et, d'autre part, l'authentification de transactions
commerciales conclues par voie électronique. Enfin, la carte d'identité
inclurait aussi un portefeuille électronique personnel permettant le
stockage volontaire de données diverses.
Un débat de façade
Pour
imparfait et cantonné aux initiés qu’il soit, un débat est en cours.
Sans en attendre la synthèse, prévue pour le début du mois de juin, le
Premier ministre a validé le projet au cours d'un comité
interministériel le 11 avril dernier. Il a outre annoncé la perspective
de rendre cette nouvelle carte obligatoire. Comme souvent, le débat
vise ainsi moins à soumettre un projet aux implications nombreuses et
complexes à une discussion citoyenne réellement ouverte, qu'à
orchestrer la légitimation d'une décision gouvernementale déjà prise,
non seulement dans son principe, mais encore pour l'essentiel de ses
modalités. Quand les seules questions qui restent éventuellement en
discussion sont celles du caractère obligatoire ou payant de ce nouvel
outil, qui pourra croire que le débat est ouvert sur la nécessité de
recourir à une carte à puce, lisible sans contact, de banaliser
l'utilisation d'éléments biométriques personnels numérisés, non
seulement pour des applications sécuritaires comme le contrôle
d'identité, mais encore dans des applications à but purement commercial
?
Les alibis de la fraude et du terrorisme
Le
caractère à bien des égards incantatoire, voire purement fallacieux,
des arguments avancés pour justifier le recours à ces nouvelles
technologies, vient conforter l'impression qui se dégage du caractère
purement formel du débat initié.
Ce projet serait dicté par la
préoccupation de lutter contre d'importantes fraudes ou falsifications
de titres d'identité. Cependant, malgré l'importance qu'il attribue à
ce phénomène, le ministère de l'Intérieur, de son propre aveu[i], ne
paraît pas en état d'en évaluer précisément l'ampleur, qui reste à
établir par des études objectives. Sans avoir démontré la réalité du
problème, il propose de recourir à une solution coûteuse à la fois
financièrement et en termes de libertés publiques. Pourtant, la
transmission directe des actes de naissance entre les services d'état
civil et les services chargés d'établir la carte d'identité
constituerait à la fois une simplification administrative pour l'usager
et une garantie contre l'obtention frauduleuse d'une carte d'identité
par la production d'un acte de naissance usurpé ou falsifié. En quoi
une telle solution, moins problématique, serait-elle insuffisante ?
De
la même manière, aucune donnée précise n'est avancée en ce qui concerne
l'ampleur et la nature des fraudes à l'identité qui seraient cause de
préjudices économiques importants résultant de l'obtention indue de
prestations sociales diverses ou d'escroqueries dans des transactions
commerciales.
http://www.ldh-france.org/actu_derniereheure.cfm?page=1&idactu=1059
20 juin 2005 - INES: le consensus n'est pas possible !
Communiqué commun
Les
organisations initiatrices de la pétition pour le retrait total et
immédiat du projet INES se félicitent de constater que leurs arguments
contre l’instauration d’une carte d’identité électronique à éléments
biométriques sont largement partagés.
Un rapport de
synthèse, remis le 16 juin au ministre de l’Intérieur par le Forum des
droits sur l’Internet à l’issue de la mission qui lui a été confiée,
reflète les principaux points soulevés par les participants au débat
organisé sur Internet et en région.
La majorité des
participants au débat partagent plusieurs constats importants rappelés
dans la pétition : absence de justification chiffrée et objective sur
l’ampleur de la fraude constatée, absence de pertinence de l’argument
avancé de « lutte contre le terrorisme », et surtout risques importants
en matière de protection de la vie privée et des données personnelles.
Ces risques sont notamment liés à la mise en place d’une base
centralisée des données, au recours aux identifiants biométriques, à
l’extension, voire au détournement, des finalités de ces fichiers et à
la confusion entre des utilisations commerciales et régaliennes de ce
dispositif.
L’avis que doit rendre la Commission nationale
de l’informatique et des libertés viendra, à n’en pas douter, renforcer
l’ensemble de ces constats.
La question du changement de
rapport à l'identité et des rapports de pouvoir entre le citoyen et
l’État est cependant largement absente de ce rapport.
L’enjeu
du débat n’est pas d’améliorer certains aspects du projet INES afin de
« poursuivre le déploiement du projet dans un climat de consensus »
comme le recommande le Forum des droits sur l’Internet. De même, le «
pacte social » ne repose pas sur un échange de bons procédés, visant
pour le citoyen à obtenir « un accès en ligne, gratuit et permanent, à
ses dossiers administratifs », consentant en contrepartie à « un
contrôle accru des titres et de l’identité individuelle » par l’État.
Le
contrat social reste fondé sur la présomption de confiance mutuelle et
sur la préservation des libertés de chacun. Le projet INES, même après
amélioration de certaines de ses caractéristiques, continuerait d’en
signifier la rupture. C’est pourquoi les organisations initiatrices de
la pétition, déjà rejointes par plus d’un millier d’organisations et de
citoyens, continuent d’exiger le retrait total du projet INES et
poursuivent leur campagne de recueil de signatures.
http://www.ldh-france.org/actu_derniereheure.cfm?idactu=1074
La pétition contre INES sur le site de la ligue des droits de l'homme :
http://www.ines.sgdg.org/petitions/[/b]